La collection Léo et Léa

La méthode

« Pour choisir un manuel CP »

Pour choisir un manuel, il est essentiel de vérifier d’abord si la pédagogie qu’il met en oeuvre est cohérente, bien adaptée à la fois à la matière enseignée et à l’enfant.

En matière d’enseignement de la lecture, l’ouvrage de Stanislas Dehaene « Les neurones de la lecture », paru en août 2007, nous semble rendre compte au plus près de l’état actuel des connaissances. D’une part, il développe ce que les neurosciences ont permis de découvrir du fonctionnement du cerveau quand nous apprenons à lire, d’autre part, il en tire des conclusions quant à la pédagogie qu’il convient ensuite logiquement de mettre en œuvre.

Que se passe-t-il dans notre cerveau quand nous apprenons à lire et quand nous lisons ? Quelles conclusions S. Dehaene en tire-t-il pour l’enseignement de la lecture ?

  Première notion clé : la lecture nécessite un apprentissage spécifique qui va modifier le fonctionnement du cerveau.

Avant de parvenir à cette conclusion, S. Dehaene commence par s’interroger : « Comment se peut-il que notre cerveau d’Homo sapiens paraisse finement adapté à la lecture, alors que cette activité, inventée de toutes pièces, n’existe que depuis quelques milliers d’années ?...» P. 24

Pour expliquer cette adaptation, S. Dehaene développe le concept de "recyclage neuronal". Au cours de l’acquisition de la lecture, nos circuits neuronaux, conçus pour la reconnaissance des objets, doivent se recycler pour déchiffrer l’écriture. L’acquisition de la lecture nécessite donc un apprentissage qui va modifier le fonctionnement du cerveau. « Lorsqu’ils apprennent à lire, nos enfants reviennent de l’école littéralement transformés ; leur cerveau n’est plus le même » écrit S. Dehaene p 279.

Quelle conséquence pour la pédagogie ?

Si l’apprentissage de la lecture modifie ainsi le cerveau, le choix de la méthode utilisée est déterminant !

Il écrit p. 290 : « N’en déplaise aux relativistes de tout poil, on n’apprend pas à lire de cent manières différentes. Chaque enfant est unique…mais lorsqu’il faut lui apprendre à lire tous ont le même cerveau qui impose les mêmes contraintes et la même séquence d’apprentissage ».

Ramenée à l’apprentissage de la lecture, l’application du principe du " recyclage neuronal " conduit l’auteur à écrire que ".son efficacité doit dépendre du degré de reconversion neuronale nécessaire ainsi que de l’adéquation de la méthode d’enseignement avec la structure préexistante de nos réseaux cérébraux " (p. 232). La méthode doit donc être la plus adaptée possible au fonctionnement cérébral.

  Deuxième notion importante : Le cerveau reconnaît d’abord des lettres. Ce n’est pas le contour global du mot qui est reconnu par le cerveau.

P 104 : « Une petite région de l’hémisphère gauche analyse les images et signale, oui, il y a bien des lettres, il s’agit par exemple d’un C, d’un O ou d’un R, information cruciale que d’autres régions du cerveau se chargeront de décoder en son et en sens. »

Et p. 297 : « le contour global du mot ne joue pratiquement aucun rôle dans la lecture … La reconnaissance visuelle du mot ne repose pas sur une appréhension globale de son contour, mais sur sa décomposition en éléments simples, les lettres et les graphèmes. La région corticale de la forme visuelle des mots traite toutes les lettres du mot en parallèle, ce qui, historiquement est responsable de l’impression de lecture globale…l’immédiateté de la lecture n’est qu’une illusion, suscitée par l’extrême automatisation de ses étapes. »

Quelle conséquence pour la pédagogie ?

Puisque le cerveau apprend d’abord à reconnaître les lettres et les transforme ensuite en sons du langage et en sens, ce sont les méthodes synthétiques, qui procèdent elles aussi du simple au complexe, de l’unité vers le tout, qui sont les plus adaptées. S. Dehaene écrit : « Le but de l’enseignement de la lecture est donc clair : il faut mettre en place cette hiérarchie dans le cerveau, afin que l’enfant puisse reconnaître les lettres et les graphèmes et les transformer aisément en sons du langage. p 291 L’approche synthétique que nous préconisons est pleinement justifiée par cette hiérarchie décrite par S. Dehaene.

Il écrit encore :

« Les mots et les phrases proposées à l’enfant ne doivent faire appel qu’aux seuls graphèmes et phonèmes qui lui ont été explicitement enseignés » (page 304). Les méthodes synthétiques ne recourent jamais à la lecture globale, que ce soit en début ou en cours d’apprentissage.

  Troisième notion clé : les lettres sont ensuite converties en sons.

« seule une région supérieure du lobe temporal, le planum temporale, réagit à la compatibilité entre les lettres et les sons. L’écoute d’un son compatible avec la lettre augmente l’activité de cette région. » p 151

« Le planum temporale joue vraisemblablement un rôle essentiel à l’apprentissage de la lecture. Quand nous ânonnons notre b.a.-ba, le planum temporale apprend progressivement à reconnaître les correspondances entre la sonorité et l’apparence des lettres. A l’âge adulte, ces liens entre graphèmes et phonèmes s’automatisent et prennent la forme d’un véritable réflexe de conversion des lettres vers les sons. » p 152.

Quelle conséquence pour la pédagogie ?

Puisque le décodage phonologique des mots est l’étape clé de la lecture, ce sont donc les méthodes phonémiques qui sont aussi les plus adaptées.

Citons encore S. Dehaene :

« Ce n’est pas rendre service à l’enfant que de lui faire miroiter les plaisirs de la lecture sans lui en donner les clés. Le décodage phonologique des mots est l’étape clé de la lecture. ». Et il ajoute « Point crucial : l’apprentissage explicite des correspondances graphèmes-phonèmes est le seul à offrir à l’enfant la liberté de lire, car lui seul donne accès à de nouveaux mots. » … « les enfants qui ont appris avec une méthode globale sont, non seulement moins performants dans la lecture des mots nouveaux, mais également moins rapides et moins efficaces en compréhension de textes. » (p. 301).

En outre, les méthodes phonémiques sont les plus adaptées quand le français n’est pas la langue maternelle de l’enfant. L’approche phonémique permet à l’enfant d’acquérir à la fois les phonèmes du français et la lecture.

  Quatrième notion, l’accès au sens.

p 290 : « Notre cerveau ne passe pas directement de l’image des mots à leur sens. … le mot est disséqué, puis recomposé en lettres, bigrammes, syllabes, morphèmes…la lecture parallèle et rapide n’est que le résultat ultime, chez le lecteur expert, d’une automatisation de ces étapes de décomposition et de recomposition. »

On n’accède donc pas directement au sens à partir de l’image du mot.

Quelle conséquence pour la pédagogie ?

P 301 : « décodage et compréhension vont de pair : les enfants qui savent le mieux lire des mots et des pseudo mots isolés sont aussi ceux qui comprennent le mieux le contenu d’une phrase ou d‘un texte. Bien entendu, apprendre à ânonner la prononciation des mots ne saurait constituer une fin en soi. Il est bon que la plupart des livres scolaires fassent très vite appel à des petits textes signifiants….Mais la compréhension passe avant tout par la fluidité du décodage. Plus vite cette étape est automatisée, mieux l’enfant peut se concentrer sur le sens du texte. » C’est exactement ce que proposent les méthodes synthétiques phonémiques.

Impossible de résumer le contenu extrêmement riche des « neurones de la lecture » ! Nous ne pouvons que vous en conseiller la lecture. Nous avons souhaité vous en transmettre quelques notions clés car elles viennent étayer et confirmer les choix pédagogiques qui s’étaient progressivement imposés à nous au cours de longues années de pratique auprès des enfants, pédagogie que nous avons précisément mise en oeuvre dans les ouvrages de la collection « Léo et Léa » pour l’apprentissage de la lecture.