La collection Léo et Léa

La méthode

Structuration de l'enfant, par Thérèse Cuche et Michelle Sommer

De 0 à 7 ans, l’enfant se structure en modifiant considérablement son rapport aux autres et au monde. Le jeune enfant est encore très proche de sa mère. Il est engagé dans une relation privilégiée avec celle ci : dans son imaginaire, il la perçoit comme un semblable auquel il s'identifie. Il est dans l'illusion d'un « tout » peu différencié mais rassurant. Une évolution progressive de cette relation avec la mère est nécessaire pour permettre que s'installe, dans un premier temps, le langage ; l'aboutissement de ce même processus permet ensuite le passage au CP et l’accès à la lecture.

Les points essentiels du processus de structuration

  « Grandir », cela suppose d'abandonner peu à peu la relation exclusive avec la mère, de s'ouvrir au monde réel, qui n'est pas toujours aussi beau que l'imaginaire... Cette structuration progressive comporte divers aspects (ou conditions) que l'on peut résumer ainsi :

  • Accepter qu'une distance symbolique s'installe entre l'enfant et la mère (deux corps distincts, deux « moi » distincts).
  • Accepter la différence (l'enfant et la maman, ce n'est pas pareil ; deux sujets pareils ça n'existe pas). Cet apprentissage est difficile car la différence inquiète l'enfant (ce qui est connu est rassurant) et l'amène à prendre conscience du fait que personne ne peut tout avoir. Si différence il y a, il manque des choses à tout le monde.
  • Accepter de renoncer à une relation à deux pour passer à une relation à trois. C'est le père qui va le premier jouer ce rôle de tiers dans la relation, et ainsi aider l'enfant à parcourir ce chemin, cette relation à trois ouvrant bien sûr sur tous les « autres » possibles que l'enfant va rencontrer.
  • Accepter de ne plus fonctionner pour l'essentiel dans l'imaginaire (même si chaque sujet a, bien sûr, toujours besoin d'une part d'imaginaire...). L'imaginaire est le registre de fonctionnement privilégié de l'enfant : comme dans les contes de fées, d'un coup de baguette magique tout est possible ; on est mort, mais on peut redevenir vivant. L'enfant s'imagine tout-puissant. Or, la réalité est autre : dans la vie, il y a du plaisir mais aussi du déplaisir, des contraintes et des limites. Voilà donc encore bien des choses difficiles à accepter.

  Le passage obligé de la maternelle au CP s'inscrit dans cette évolution. La prise de distance par rapport à sa mère permet à l'enfant de devenir plus autonome et d'exprimer des désirs qui lui sont propres (entre autres le désir d'apprendre à lire). Sans désir d'apprendre à lire, il n 'y a pas d'apprentissage possible.Si l'enfant se maintient essentiellement dans l'imaginaire (et donc du côté des images), il ne peut accéder à la lecture, qui fait appel à des symboles (la représentation suppose une distance : le mot poule, ce n'est pas l'image d'une poule...). La lecture passe par la pratique d’un code (un ensemble de correspondances constantes et repérables). Ce code ne peut être modifié d'un coup de baguette magique...Le passage de la maternelle au CP correspond donc à une étape décisive dans la structuration de l'enfant : il lui faut quitter le champ de la mère (et d'un rapport encore très imaginaire au monde) pour accéder au champ de tous les « autres » possibles. Ce passage peut être difficile parce que l'enfant y est confronté, essentiellement, à la perte (cf. chacun des points évoqués ci-dessus). Il doit renoncer à un certain type de plaisir immédiat pour pouvoir accéder à un autre type de plaisir, beaucoup moins immédiat. De même, le plaisir de maîtriser la lecture suppose d'abord l'apprentissage des graphies et du déchiffrage, ce qui représente un effort pour lui.

  Personne n'aime perdre. L'enfant a donc absolument besoin d'être accompagné (encouragé, guidé) pour franchir ces étapes. Ce sont essentiellement les parents qui vont effectuer cet accompagnement ; mais une méthode de lecture structurante peut participer efficacement à cette maturation en incitant l’enfant à se saisir de repères pour pouvoir lire et structurer ainsi son langage et sa pensée.Les méthodes à départ global ne remplissent pas les conditions requises pour pouvoir aider des enfants tant soit peu immatures à entrer néanmoins dans l’apprentissage, et par là à pouvoir continuer à « grandir ». Même pratiquées avec la meilleure des compétences, elles laissent ces enfants-là sur le bord du chemin.

Un enfant qui n'a pas de difficulté sur le plan de sa structuration, c'est-à-dire de la construction de sa personnalité, apprendra à lire quelle que soit la méthode : il trouvera les repères dont il a besoin même si la méthode est peu structurante. Certains enfants qui rencontrent des difficultés psychologiques (de type névrotique ou psychotique) ne sont pas en mesure d'apprendre à lire à six ans, quelle que soit la méthode utilisée.

  Un nombre croissant d'enfants est en difficulté en cours préparatoire (CP) en raison d'un manque de maturité. Leur désir d'apprendre à lire est encore trop ambivalent. Ils ont des difficultés pour accepter les limites, les règles et les codes, et donc pour trouver les repères dont ils ont besoin dans une méthode à départ global. Ainsi s'enclenche souvent l'entrée dans l'échec scolaire...

  Nous avons constaté qu'une méthode qui privilégie les repères est nécessaire pour permettre à ces enfants de s'engager dans l'apprentissage de la lecture. Les méthodes anciennes qui enseignaient d’emblée à l’enfant le code de la lecture (ou de la transcription), même si elles avaient des défauts, amenaient plus sûrement l’enfant à entrer dans le domaine du symbolique. Ces méthodes ont été profondément remaniées grâce à la création de l’orthophonie, bénéficiant d’une connaissance approfondie du langage enfantin et de son développement, d’une meilleure prise en compte des rapports entre langage oral et langage écrit, et, en conséquence, d’une progressivité beaucoup mieux étudiée.

« Lire avec Léo et Léa » a pour objectif de fournir la possibilité pour les enseignants de choisir une méthode structurante.