J'ajoute ce texte de madame Liliane Lurçat, qui explique bien les causes
des difficultés ressenties par les enfants.
Liliane Lurçat (« La destruction de l’enseignement élémentaire et ses penseurs. »)
« Le lien de l’écriture avec la lecture a marqué les progrès de la scolarisation des enfants. L’écriture lecture a été la méthode de l’école de la République. Mal appliquée, elle est à présent rejetée par les théoriciens de la lecture, qui préconisent l’usage exclusif des méthodes globales.
[…]Si on parle beaucoup d’échec dans les apprentissages, il n’y a pas de réel débat sur la lecture. Ce débat est en réalité confisqué par les tenants des méthodes globales qui le monopolisent. Ils prétendent d’ailleurs que la « querelle des méthodes est dépassée », pour masquer leur préférence, et ne pas qualifier de globale la méthode qu’ils préconisent, car le mot a mauvaise réputation chez les parents d’élèves. (Cette mauvaise réputation a pour origine des expériences qui ont eu des effets désastreux dans les années 1950.) C’est pourtant à eux qu’on s’adresse pour les bilans, la rédaction des rapports officiels, la formation des maîtres et des inspecteurs. Si bien qu’il devient impossible de faire connaître d’autres explications de l’échec, et des difficultés actuelles à faire apprendre à écrire et à faire lire les enfants.
Car deux phénomènes se conjuguent et contribuent à rendre les apprentissages plus difficiles. D’une part, des facteurs internes à l’école, liés aux modes pédagogiques et à leur retentissement sur la formation des maîtres. D’autre part, des facteurs liés à une autre économie du temps des enfants où le divertissement tient une grande place. Le temps libre laissé à la lecture ne suffit pas pour en faire une activité réellement automatisée. Il faut en effet mettre en place les automatismes de base et ensuite automatiser la lecture courante pour savoir lire de façon définitive.
La lecture, l’écriture, le calcul, constituent des automatismes acquis. Leur automatisation en fait des outils indispensables à l’acquisition de la plupart des disciplines scolaires et à l’exercice de nombreuses activités professionnelles.
Pourquoi parler d’automatismes acquis ? Parce qu’il est nécessaire, pour l’écriture par exemple, d’avoir automatisé le mouvement, la forme des lettres, la trajectoire des mots, l’orthographe, la vitesse, pour que puisse s’exercer sans entrave la fonction de l’élaboration du sens.
La rédaction d’un texte et sa ponctuation constituent le contenu sémantique de l’acte d’écrire, ce sont les seuls aspects qui doivent rester conscients, tandis que tout le reste doit être entièrement automatisé.
Il en va de même pour la lecture et le calcul, activités qui comportent des aspects entièrement automatisés et d’autres qui demeurent conscients, et qui concernent la compréhension du sens dans la lecture et le but des opérations à exécuter dans le calcul. »
J'ajoute qu'il faut vérifier si les enfants apprennent à écrire correctement : cela aussi est bien passé de mode.
On trouve dans les librairies scolaires de petits instruments en caoutchouc à enfiler sur le crayon ou le stylo-bille qui placent les doigts. ("Aides à l'écriture".)
Le Haut Conseil de l'Education Nationale vient de publier un rapport très alarmant. En voici l'introduction.
INTRODUCTION
Chaque année, quatre écoliers sur dix, soit environ 300 000 élèves, sortent du CM2 avec de graves lacunes : près de 200 000 d’entre eux ont des acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul ; plus de 100 000 n’ont pas la maîtrise des compétences de base dans ces domaines.
Comme la fin du CM2 n’est plus la fin de l’école obligatoire, leurs lacunes empêcheront ces élèves de poursuivre une scolarité normale au collège. De tels résultats expliquent pour une grande part l’ampleur des controverses sur les méthodes d’apprentissage, notamment de la lecture, qui ont conduit à la mise en place de nouvelles instructions en ce domaine à la rentrée de 2006. Ils sont d’autant plus préoccupants que l’école primaire a un rôle irremplaçable à jouer afin que les élèves acquièrent la maîtrise du socle commun au terme de
leur scolarité obligatoire au collège.
Si le collège, considéré par beaucoup comme le “maillon faible”, a suscité depuis vingt ans débats et polémiques, l’école primaire a beaucoup moins attiré l’attention.
Certaines enquêtes internationales auraient pourtant dû donner l’alerte : au regard de ces enquêtes - en particulier PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study), évaluation faite à
l’issue des quatre premières années de la scolarité obligatoire dans la majorité des pays développés -, notre école primaire se porte moins bien que l’opinion publique ne l’a cru longtemps. En particulier, elle ne parvient pas, malgré la conscience professionnelle de son corps
enseignant, à réduire des difficultés pourtant repérées très tôt chez certains élèves et qui s’aggraveront tout au long de leur parcours scolaire."
Adélaïde.