La collection Léo et Léa

La méthode

Compétences cérébrales et lecture, par Michèle Mazeau, médecin au SESSD LADAPT

Dr. Michèle Mazeau (médecin de rééducation pratiquant la neuropsychologie infantile, SESSD LADAPT, 185 bis rue Ordener, 75018, Paris.) Janvier 2005

Alors que les enfants acquièrent « spontanément » la marche, le saut ou leur langue maternelle – pour autant qu’ils puissent faire jouer librement les systèmes sensori-moteurs dont ils sont dotés et qu’ils évoluent dans un environnement « habituel » – la lecture, comme le calcul ou la géométrie, doivent faire l’objet d’un enseignement explicite des adultes (les experts) en direction des enfants (les apprenants).

Il y a donc, pour les être humains, deux mécanismes distincts pour se développer et apprendre :

  a) ceux qui résultent d’acquisitions spontanées, reposant sur des systèmes sensorimoteurs et cognitifs innés – sélectionnés par l’évolution –, systèmes complexes, très immatures à la naissance, qui vont maturer sous l’influence conjointe des instructions génétiques d’une part et des interactions avec le milieu d’autre part.

C’est ainsi que les petits apprennent à parler, à attraper une balle, à reconnaître les visages familiers, etc. Ces acquisitions se font, de tout temps et sous toutes les latitudes, dans les mêmes fourchettes d’âge : elles sont universelles et se produisent « obligatoirement » dans les conditions « banales » de l’évolution d’un enfant « normal », évoluant dans un environnement « ordinaire ».

  b) et ceux qui ne se produiraient pas si les adultes (ou les experts) ne mettaient pas en œuvre des techniques d’enseignement et d’entraînement spécifiques et systématisées en direction des enfants. Ces apprentissages ne se produisent QUE sous l’effet d’un enseignement adapté. C’est le cas de nombreuses activités qui n’ont manifestement pas été sélectionnées par l’Evolution : conduire une voiture, calculer un pourcentage, construire le dôme d’une cathédrale et, bien sûr, lire et écrire.

Naturellement, ces apprentissages reposent eux aussi sur des aptitudes cérébrales innées (nous ne pouvons inventer ni mettre au point des activités pour lesquelles nous ne serions pas physiquement et cérébralement « équipés »), mais les aptitudes dont nous disposons, telles que, sont en elles-mêmes insuffisantes pour permettre l’expression « spontanée », au cours du développement, de ces performances.

Un long apprentissage sera nécessaire, qui permettra de les mettre en relation, de créer entre elles des connections, des circuits, des configurations, des réseaux spécifiques qui, peu à peu, sous l’effet de l’entraînement répété, se stabiliseront et deviendront le support de ces activités complexes et spécifiquement humaines, qui nécessitent la combinaison et la collaboration de nombreuses aires cérébrales.

La lecture (le langage écrit) est une de ces activités pour laquelle nous disposons des différents « ingrédients » de base, substrats nécessaires mais non suffisants qu’il nous faudra relier, combiner, assembler, pour aboutir, au terme d’un enseignement intentionnel assidu et d’un entraînement régulier, à cet appariement quasi-automatique entre des significations et des suites ordonnées de signes conventionnels, appariement qui caractérise le bon lecteur.

De ce fait il est très important, pour ces activités qui doivent être enseignées par les adultes et apprises par les enfants, de connaître

- les caractéristiques de la tâche, d’une part

- les différentes compétences (sensori-motrices et cognitives) sollicitées par cette tâche, d’autre part

[N.B. Nous ne nous intéresserons ici qu’à l’identification de mots écrits isolés : nous n’aborderons donc pas la compréhension de phrases ou de textes.]